DIJON, Côte d'or (Reuters) - Après l'annonce de la fermeture du site historique du moutardier Amora-Maille à Dijon, ses salariés prennent à partie la multinationale Unilever qui "ferme une usine rentable."
Les "Amora" veulent sonner la mobilisation en manifestant dans le centre-ville samedi, avec le soutien d'élus de la région et d'habitants pour qui l'histoire de Dijon se confond avec celle de sa moutarde.
"On veut des explications, on veut comprendre le dossier", martèle François Rebsamen, le député-maire PS de Dijon.
Le plan qui devrait être présenté en janvier prévoit la fermeture de trois sites de production, dont celui, historique, de Dijon où 296 emplois pourraient être supprimés, selon les syndicats, et 265 d'après la direction.
"Dès qu'ils entendent le nom d'Amora, les gens écoutent ce que nous avons à dire", dit Bruno Robert, 35 ans, conducteur de ligne de conditionnement à l'usine de Dijon.
"Amora à Dijon, c'est comme Manufrance à Saint-Etienne, les gens ne comprennent pas qu'on puisse fermer ce site historique", ajoute-t-il.
Pour Patrick Galimard, 53 ans dont 35 ans de maison au poste de mécanicien d'entretien, "tout est tombé à l'eau" depuis l'annonce de la fermeture.
"Chez Amora, tout se passait bien jusqu'au rachat par Unilever en 2000. Depuis, on est dirigés par des prédateurs, par des fossoyeurs", estime-t-il.
BAISSE DE PRODUCTIVITÉ
Pour Laurent Gérard, 47 ans, entré à 17 ans chez Amora comme contrôleur de qualité, "c'est l'angoisse, le trou noir, les nuits sans sommeil".
"Ils ont démantelé l'usine service par service, ça a commencé par la fabrication de la vinaigrette qui a été délocalisée en Tchéquie, puis c'est la moutarde qui est partie à Chevigny, à une dizaine de kilomètres de Dijon, ensuite, la mayonnaise et le ketchup ont été transférés en Espagne et en Pologne", énumère Christian Mounier, 55 ans.
La direction de l'usine justifie ses projets de fermeture par la baisse de productivité du site.
"La production de l'usine de Dijon a baissé de près de 42% depuis 2002", explique-t-elle dans un communiqué, confirmant que les activités seraient désormais concentrées à Chevigny.
"Il s'agit répondre à la nécessité de consolider et de simplifier l'activité industrielle pour retrouver la compétitivité dans un contexte économique tendu", poursuit-elle.
Les salariés d'Amora enragent de voir que la société choisit cette stratégie alors qu'elle génère des bénéfices.
"Ils ont tout fait pour démanteler alors qu'Amora-Maille apporte entre 20 et 30 millions d'euros de bénéfice par an à Unilever", s'emporte Jean-Pierre Cordier, délégué FO et porte-parole de l'intersyndicale.
Seul motif de satisfaction, l'engagement aux côtés des Amora d'élus locaux de tous bords, dont François Rebsamen, qui a décidé de participer samedi à la manifestation des moutardiers.
"Je veux qu'on m'explique la stratégie industrielle et financière d'Unilever par rapport à Amora qui fait 22 millions de bénéfice par an", dit le maire de Dijon à Reuters.
Il confie avoir rencontré à Paris il y a deux semaine le PDG d'Unilever France. "On lui a demandé de nous présenter en détail sa stratégie. Pourquoi fermer Dijon, alors qu'ils ont construit il y a quatre ans sur ce site un centre de recherche et d'innovation qui a coûté 10 millions d'euros ?", demande-t-il.
Une prochaine réunion avec les élus et les syndicats doit encore se tenir le 11 décembre à la préfecture avec le président d'Amora.
L'usine de Dijon a été créée en 1703 et a pris le nom d'Amora en 1931. Installée dans ce pays de vignoble, au plus près du "verjus", ce jus de raisin vert qui servait de liant à la moutarde. Aujourd'hui, ce verjus a été remplacé par un mélange de vinaigre, de saumure et de conservateur.
"Mais la fabrication reste artisanale", assure Hervé Bourgeois, habillé d'une blouse blanche et coiffée d'une charlotte de même couleur.
Catherine Lagrange, édité par Eric Faye
reuters.com - 06/12/2008